Emmènagement.

Elle était plongée dans les aventures du héros empoté qu'était Donald, et avait à peine remarqué l'arrivée d'un inconnu. Entendant vaguement des paroles, elle détourna le regard, et s'apprêtait à se lever, pensant que l'hôtesse d'accueil était venue la prévenir qu'elle pouvait récupérer ses clés. Mais c'était tout autre chose, ces paroles avaient glissées de la bouche d'un homme aux cheveux châtains, inconnu jusqu'ici. Il semblait étranger, ce qui réconforta la demoiselle, se sentant moins seule dans cette situation. Mais tout de même un peu déçue que ce n'était pas l'hôtesse, elle afficha une expression soupirante, plus ou moins inconsciemment. Une revue voulait-il ? Copieur. Pas trop féminine en plus ? Et puis quoi encore ? Non, malgré les apparences, Sun n'avait jamais été très aimable au premier abord, gardant un sentiment de méfiance. Pour embêter ce monsieur, la demoiselle choisit un Tom-Tom et Nana qu'elle lui tendit. " Voilà, j'espère que ça vous ira. " Lâcha t-elle, ricanant naïvement derrière son magasine qu'elle avait mis devant ses yeux. Mais derrière sa BD, elle ne pouvait suivre l'enchaînement des gestes de celui-ci, et grande curieuse qu'elle était, elle voulait absolument pouvoir l'espionner, en toute discrétion, voir sans être vue. Et l'action qui suivit ne fit que confirmer son caractère de petite gamine candide qu'elle était. Alors qu'elle perchait encore sa BD haut devant ses yeux, elle glissa sa main droite dans son sac à main et fouilla dedans, à la recherche de quelque chose de bien précis. Ceci était supposé être discret ... Mais c'était tout le contraire, son sac était tellement mal rangé qu'elle créait un véritable boucan, à remuer ses dizaines d'affaires inutiles qu'elle s'obstinait à porter partout avec elle. Et enfin, entre rouge à lèvres, écharpe, écouteurs et vernis à ongle, Sun trouva ce qu'elle cherchait : une paire de ciseaux. Alors, votre curiosité et interrogation s'accentue, mais vous ne tarderez à comprendre son dessein. Comme une gamine - encore - , Sun croyait au gros cliché des trous percés dans le journal, arme favorite des petits espions fouineurs.

Et il se trouve qu'elle appartenait à ce groupe d'adultes aux tendances régressantes. Elle eut un peu de peine à couper la casquette de Donald, et son derrière plumé à un autre endroit, mais il fallait bien couper quelque chose pour faire un trou =P. Alors, sacrifiant sa BD - qui n'était d'ailleurs même pas la sienne - , elle put au bout de quelques minutes, observer en toute indiscrétion le jeune homme qui ne faisait rien de plus intéressant que de feuilleter simplement sa superbe - ne nous le cachons pas - revue. Mais pour la grande curieuse qu'était Sun, rien de plus captivant. Mais comme la demoiselle ne pouvait tenir longtemps en place sans gesticuler par-ci par là, elle se leva, posa son journal découpé, puis s'avança vers la machine à café. Elle semblait déjà vieille et usée, quelques gobelets vides traînaient à ses pieds, et les boutons étaient enrobés d'une couche de poussière. Elle n'osait montrer son écœurement, ayant toujours cette peur phobique de passer pour une snobinarde, elle même n'aimant naturellement ces nouveaux riches insatisfaits de tout. Insérant le prix demandé, elle sélectionna un chocolat chaud, qui ne tarda de couler dans un gobelet brun. Le sortant délicatement de la machine, elle marcha doucement, un pied devant l'autre, avec précautions, jusqu'au fauteuil qu'elle avait quitté quelques minutes plus tôt. Mais non, ça aurait été trop beau, l'hôtesse surgit de derrière elle, lui tapota l'épaule et lui dit : " Voilà vos clés ! " , toute contente. Et empotée qu'était Sun, voulant prendre les clés de la même main, c'est son chocolat qui se versa sur le pantalon du pauvre inconnu, qui n'avait rien demandé. Poussant un cri, elle s'excusa : " Je n'ai pas vu ... C'est, c'est cette idiote là, elle m'a surprise ! " Désignant l'hôtesse de son index. Pauvre de lui, non seulement le chocolat partait difficilement, mais en plus était-il bouillant. Mais quelque chose, un détail qui n'aurait pas fait rire les autres, fit pourtant caqueter la jeune demoiselle, qui finit dans un rire effréné. En effet, le chocolat avait coulé entre les jambes du monsieur, jusqu'a créer une tâche des plus disgracieuses.

Sun était étonnée de la réaction plutôt positive de l'inconnu. Non seulement il venait se faire ébouillanter l'entrejambe ( hin-hin ) mais aussi avait-il perdu un pantalon dans la foulée. Elle redoutait la phase des profondes excuses et de la mise à genoux, mais heureusement, celui-ci lui facilita la tâche, à peine s'était-il plaint. S'avançant vers l'hôtesse qui tapotait sur son clavier, elle comprit vite qu'elle devrait héberger ce parfait inconnu temporairement. Bien sûr, elle aurait put tout simplement refuser, mais l'épisode précédent la mettait en tord, et sa bonne conscience l'obligea d'accepter, et de répondre par : " Vous n'avez qu'a rester chez moi jusqu'a ce que vous mourrez alors. " Lâcha t-elle, un sourire en coin, approuvant la ' blague ' - si on peut appeler ça comme ça - sur laquelle l'hôtesse venait de caqueter niaisement. " Deuxième étage " Précisa l'hôtesse, pointant de l'index l'ascenseur, cachant ses derniers rires. Elle avait toujours eu l'habitude, qu'elle se rende dans un hôtel ou dans un nouvel appartement, qu'on se charge de ses valises, et qu'on les monte jusqu'a sa chambre. Alors, par simple réflexe, la demoiselle se posta aux côtés de l'ascenseur, et enfonça le bouton d'appel. Mais malheureusement, personne ne se hâta d'aller récupérer et apporter les valises de la jeune femme, qui se retrouva ridiculisée. Vexée, elle retourna dans le salon, les poings fermés, puis tira avec pénibilité ses deux valises, son sac à main pendouillant de l'épaule. Enfin arrivée devant la porte de l'ascenseur qui coulissa en deux ou trois grincements assourdissants, elle décida de profiter du fait que ce jeune inconnu était invité à loger chez elle temporairement pour une durée indéterminée, absolument gratuitement. C'était un gros cadeau de sa part, il fallait l'avouer. Et Sun, attendait très certainement un ' cadeau d'échange '

" Mes Valises " se contenta t-elle de pester, les pointant, puis pointant l'ascenseur dans lequel elle venait d'entrer.

" Elles vous attendent " Précisa t-elle, un petit sourire d'ironie accroché à ses lèvres. Quelques secondes plus tard, la demoiselle ferma les portes de l'ascenseur, puis appuya sur le bouton du deuxième étage. Soudainement, celui-ci se bloqua, et les lumières se mirent à clignoter. Automatiquement prise de panique, elle sursauta puis , plongée dans le noir à présent, chercha à appuyer sur les portes d'ouverture, qui refusèrent de s'ouvrir. Les néons se remirent à clignoter, jusqu'a stabiliser la lumière. « Très bien. » Commença t-elle simplement, remuant ses cheveux – signe de stress et d’angoisse -. « Je suppose qu’il faut que j’appuie sur la cloche. » Elle n’avait encore jamais vécu ce genre de situation, mais était bien contente de enfin pouvoir appuyer sur ce bouton =P. Ne tardant, elle l’enfonça puis attendit patiemment. Mais rien ne se passa. Personne ne répondit, personne ne vint en aide. « Très bien. » Répéta t-elle doucement, gardant un calme incontrôlé. Il n'y avait pas vraiment de quoi avoir peur. Mise à part que un ascenseur vieux comme celui-ci pourrait facilement voir ses câbles céder. Et pof, le noir complet encore. " Vous savez réparer les ascenseurs ? " Questionna t-elle naïvement.